“Anomalie”, De l’Effroi à la vie avec Céleur Jean Hérard

Après la nuit noire, la lumière. C’est le fil conducteur des fresques dansantes et colorées de Céleur Jean HÉRARD  présentées dans Anomalie. À mi-chemin  entre l’homme et la bête, les silhouettes imaginées par l’artiste haïtien sont à l’image de notre société, ses âmes er réalités simultanées. Partant de sa terre natale Haïti, Céleur Jean HERARD présente une ode à la célébration de la vie en tout temps même face au terrible. Présentée par le Centre d’Art d’Haïti et Christophe PERSON, Anomalie est une énigme à décoder dès ce 19 octobre 2024


Aujourd’hui s’ouvre Anomalie, l’exposition qui met en dialogue le travail de Céleur Jean HÉRARD (n.1966) avec celui du nigérian Nduka IKECHUKWU (n.1997). Céleur Jean HÉRARD y dévoile une série de fresques animales et dansantes. Après avoir longtemps sculpté des formes monstrueuses, des phallus et des figures fantastiques, il les invoque désormais sur toile, sans les limitations imposées par la sculpture.

Haïti, terre de mythes et de mystères, est souvent au cœur de nombreuses intrigues. Cependant, cette immersion dans l'œuvre de Céleur nous invite à aller au-delà, pour rencontrer la réalité. L’intrigue débute rapidement à la vue des toiles de l’artiste. S’agit-il de formes humaines, animales ou bien même de fantômes et morceaux d’âmes ? Il émane de ses toiles intensité semblable à une explosion de désirs et sentiments confinés. Toutefois, il faut aller au delà de ces premières interprétations de chaos et d’angoisse pour entrer dans la danse.

La Danse

Enigmatique, il nous donne quelques pistes de lecture sans non plus se résoudre à une grille prescriptive lui qui refuse de se clamer d’une école plus que du autre au delà des inspirations philosophiques de quelques grandes figures telles que Picasso, Basquiat et Dalí. “Le handicap d’Haïti est une grande anomalie pour nous […] l’anomalie englobe les dysfonctionnements de la société et du monde , que je transmets dans mon travail.” Toujours est-il que l’intrigue nous suit au contact des oeuvres de Céleur ; il nous faut contempler, contorsionner, interroger son voisin, revenir sur ses pas.

À ce sujet, l’auteur et critique d’art Carl PIERRECQ questionne le symbolisme de ces formes utopiques inabouties : ’S’agit-il d’un sursaut d’humanité vers son extinction ou au contraire une renaissance ?’ Il insiste, il faut trouver de l’optimisme dans le rendu vertigineux de Céleur, ce qu’il soutient en mettant son oeuvre en parallèle avec le travail titanesque d’Ikechukwu qui présente, pour la plupart, des formes circulaires et où s’exprime un œil vertueux qui signifie la solidarité et le partage.

Résilience

L'autre dimension de Céleur Jean HÉRARD, c’est celle d’un homme de paix et de résilience. Il a choisi de rester à Haïti, un pays qu’il a vu s’écrouler sous le poids des catastrophes et être conté sous le prisme de la désolation. Refusant ce portrait figé, il célèbre la vie et désire être un acteur de la reconstruction active qui s’y opère :  "Quand la société ou la planète s'effondre, tout le monde est touché car nous avons toujours besoin des autres", affirme-t-il, ajoutant : “Ce qui m’inspire, c’est ce que je vis et ce que je comprends. Je reste toujours ancré dans l’idée d’anomalie. Je cherche une société plus juste, plus unie, et c’est de là que vient mon inspiration." Partant de cette réalité personnelle, c’est un message universel qu’il nous livre, incitant chacun d’entre nous à être vivant, en tous temps. Ce pêle-mêle de silhouettes en mouvement est un miroir de notre société, de nos émotions bruts et de la danse de la vie. 

Allenby Augustin, directeur du Centre d'Art d'Haïti, souligne que cette résilience est cruciale dans un contexte où la scène artistique haïtienne connaît un "dérèglement" en raison du départ massif de nombreux artistes et acteurs culturels vers la République Dominicaine ou la côte atlantique des États-Unis. En pleine reconquête, le Centre d'Art célèbre avec force ses 80 ans d'existence, incarnant parfaitement sa mission en tant que principal lieu d'échange et de diffusion culturelle du pays. Bien que la tâche soit ardue, Augustin affirme que cette mission est un devoir à poursuivre pour l'avenir de artistique à Haïti.

Et maintenant, la vie

Finalement, ces fresques monumentales s’imposent comme la continuité naturelle de l’œuvre de Céleur Jean HÉRARD, commencée dans le bois qu’il a longtemps sculpté. Loin d’être un long soupir d’agonie sans espoir, l’œuvre de Céleur Jean Hérard présentée dans Anomalie est une véritable invitation à la vie, un cri de joie vibrant de couleurs et de mouvements, où les formes semblent s'animer dans une danse envoûtante. À la fois humaines et animales, elles nous rappellent nos instincts maîtrisés. Quant à la mort, inévitable, elle est omniprésente à travers des rappels et motifs, imbriquée dans le prisme culturel d’une réalité simple : une présence qu’il ne faut ni fuir ni oublier. 

Anomalie, Céleur Jean Hérard, Nduka Ikechukwu est à voir à la Galerie Christophe Person à partir du 19 Octobre 2024

Une initiative présentée par : le Centre d’Art d’Haïti et Bohio Ayiti

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