Makef, peintre et dessinateur béninois contemporain

De la sculpture au dessin, il n’y a qu’une esquisse dans l’esprit de Mafek. L’artiste béninois explore la ligne avec une finesse dont lui seul possède le secret.

Il a une série de dessins intitulée “Mes nuits insomniaques et quelques jours d’errances ou Mes insomniaques et nuits nomades”. Exposés à la Galerie Vallois, à Paris cet hiver (9 janvier - 1er février 2025), ses dessins redéfinissent les frontières entre le dessin et la sculpture grâce à une pratique audacieuse du stylo bille noir. Les œuvres de ce dessinateur remarquable sont à la fois denses et évanescentes. Elles convoquent des figures doubles ou multiples dont la réalisation est inspirée par la technique de la sculpture en bas-relief.

Ses œuvres dessinées font dialoguer l’expression graphique et le geste sculptural. Ce rendu visuel émerge par le traitement minutieux des ombres et des volumes, mais aussi par la manière dont les formes surgissent ou se fondent dans la surface. Le stylo bille noir, outil de précision et de légèreté, se transforme avec Makef en un instrument de modelage graphique.

Ses dessins ont une matérialité paradoxale. Bien que réalisés avec un outil aussi fluide qu’un stylo bille, ils dégagent une présence presque tactile. Chaque ligne agit comme un coup de ciseau, creusant la surface du papier pour y imprimer des formes qui semblent palpables. Cette tension entre la légèreté du médium et la densité du rendu confère à ses œuvres une qualité intemporelle.

Vends ton âme à qui tu veux, (2015) MAKEF

Les personnages doubles ou multiples qui peuplent son univers graphique rappellent les dynamiques propres à la sculpture, en particulier dans les traditions artistiques béninoises où les figures jumelles expriment souvent des relations complexes. Dans ses dessins, ces figures s’interpénètrent les unes des autres, s’enchevêtrent, se chevauchent et créent une impression de mouvement et de transformation perpétuels.

Dans un jeu subtil entre obscurité et lumière, l’artiste grave la mémoire des corps et des identités, transformant chaque œuvre en une archive graphique de l’humain. Il communique le creusé avec le saillant. Il joue avec les contrastes. Il explore les frontières entre visibilité et invisibilité. Ses personnages multiformes et protéiformes, souvent associés entre autres à des thèmes spirituels ou symboliques dans les traditions locales, deviennent des figures universelles de l’ambiguïté et de la complexité humaine. Entre héritage et modernité, il sculpte des formes, des relations, des émotions et des mémoires.

Et, pareille à la technique de la sculptographie, il transforme une surface plane en un espace visuel sculptural, où les traits deviennent matière, lumière et essence.

Des masques nos visages, (2025) MAKEF

Carl PIERRECQ

Carl PIERRECQ is a journalist and critique in Arts and Literature. He was born at Petit-Goâve (Haiti.) and is a graduate in Law, Arts and Literature.

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