Eudes Gallery : Itinéraire d’un entrepreneur contemporain avec Orland Etoumbakoundou

Orland ETOUMBAKOUNDOU a fondé Eudes Gallery avec une vision claire : défendre et révéler une jeune génération d’artistes emergents de Brazzaville à Abidjan et au-delà. Aujourd’hui, Eudes Gallery est également une plateforme de rencontres pour introduire le public local à l'art de collectionner, comme vecteur d'investissement. Dans cette conversation approfondie avec Mayi Arts, le fondateur et entrepreneur Orland ETOUMBAKOUNDOU partage son parcours et leçons ainsi que les réalités d’un marché local encore en quête de repères. 

Tout commence par une vision, un idéal : voir la scène artistique émergente africaine briller à travers le continent et au-delà, en commençant par la République du Congo. Aujourd'hui, Orland Etoumbakoundou a réussi à transformer ce rêve en réalité grâce à Eudes Gallery. Dans cette interview, l'entrepreneur congolais de l'art partage son parcours menant à la fondation d'Eudes Gallery et expose les réalités d'un marché local encore en train de construire sa relation avec l'art. Passionné et fin stratège, Orland Etoumbakoundou dévoile sa vision pour Eudes Gallery.

Orland ETOUMBAKOUNDOU, Eudes Gallery

Orland ETOUMBAKOUNDOU, Eudes Gallery

À l’origine 

 

Ngalula MAFWATA : Comment débute votre histoire avec l’Art ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Mon histoire avec l’art remonte à mon enfance. Dès mon plus jeune âge, j’étais passionné par les arts plastiques et en particulier le dessin. J’étais aussi fasciné par les fresques murales qui embellissaient les commerces au Congo – les boutiques, les salons de coiffure, les ateliers de tailleurs. Ces œuvres, pleines de vie et de créativité, donnaient une identité unique aux lieux et racontaient des histoires à travers des images vibrantes. 

J’aurais voulu être artiste moi-même, mais avec le temps, j’ai compris que ma véritable vocation était ailleurs : plutôt que de créer, je voulais mettre en avant ceux qui créent. J’ai choisi de devenir galeriste pour donner de la visibilité aux artistes africains, révéler leur talent et leur offrir des opportunités. L’art africain est d’une richesse infinie, et mon engagement est de contribuer à sa reconnaissance et à son rayonnement sur la scène internationale. 

 

Ngalula MAFWATA : Quels souvenirs ont marqué vos premières expériences artistiques  ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : L’un de mes souvenirs les plus marquants est une toile réalisée par mon cousin. Il avait peint le visage d’une jeune fille avec des larmes coulant sur ses joues. Cette image m’a profondément bouleversé et m’a fait prendre conscience de la puissance de l’art pour exprimer des émotions et raconter des histoires. Cette toile a été ma première véritable rencontre avec une œuvre qui me touchait au plus profond de moi. 

À la maison, nous avions aussi une sculpture en fer dans notre salon à Brazzaville. Elle faisait partie de mon quotidien et, sans que je m’en rende compte à l’époque, elle a contribué à forger mon regard artistique. Ces souvenirs ont nourri ma passion pour l’art et m’ont guidé vers mon engagement en tant que galeriste, afin de mettre en lumière les artistes et leur talent. 


Ngalula MAFWATA : Quel est votre rapport personnel avec l’art ?

Orland ETOUMBAKOUNDOU : L’art est un élément fondamental de mon quotidien. Il représente à la fois un moyen d’expression, un héritage culturel et une plateforme de transmission des savoirs. Pour moi, l’art est un outil puissant qui peut influencer les mentalités, raconter notre histoire et façonner notre avenir. Au-delà de son aspect esthétique, l’art est aussi un vecteur de  soft power. Il permet aux nations et aux cultures de rayonner, de s’imposer sur la scène internationale et de défendre une identité propre. L’art africain, en particulier, porte en lui une richesse symbolique et historique immense. Promouvoir cet art, c’est affirmer notre place dans le dialogue culturel mondial, c’est valoriser nos traditions tout en les inscrivant dans la modernité. 

À travers mon engagement, je vois l’art comme un levier de transformation sociale, un moyen de sensibilisation et un outil de diplomatie culturelle capable d’influencer les perceptions et de renforcer l’attractivité de notre continent. 

Rahim Lascony, Eudes Gallery

Rahim Lascony

Ngalula MAFWATA : L’art n’est pas toujours une initiative soutenue ou comprise, comment vous est venue l’idée de lancer Eudes Gallery et quelle mission véhicule la galerie aujourd’hui ?

Orland ETOUMBAKOUNDOU : L’idée d’Eudes Gallery est née d’un constat : il existe un immense vivier d’artistes africains talentueux qui manquent de visibilité sur la scène internationale. J’ai voulu créer une plateforme qui leur permette d’exposer leur travail, de rencontrer des collectionneurs et de valoriser leur art dans un cadre structuré.  Eudes Gallery met en avant des artistes contemporains qui portent un regard innovant sur l’Afrique et ses réalités. Nous nous intéressons particulièrement aux œuvres qui questionnent l’identité, la mémoire, les enjeux sociaux et environnementaux. L’objectif est de proposer une lecture renouvelée de l’Afrique, loin des stéréotypes, en mettant en avant sa diversité et sa richesse culturelle.   

De Brazzaville à Abidjan et Paris 

 

Ngalula MAFWATA : Vous avez crée des événements dans différentes villes, chaque ville a son propre mode de fonctionnement lorsque l’on parle de commerce, comment l’interprétez-vous ?

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Effectivement, chaque marché possède ses spécificités. À Brazzaville, il s’agit avant tout de sensibiliser et d’éduquer le public à l’importance de l’art contemporain. À Abidjan, où il y a déjà un dynamisme artistique affirmé, nous cherchons à créer des connexions entre artistes, collectionneurs et institutions. Paris, quant à elle, représente une vitrine internationale où nous positionnons les artistes africains sur le marché global.   

Ngalula MAFWATA : En étant une galerie nomade, quels sont les challenges et difficultés expérimentés ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Être une galerie nomade implique des défis logistiques importants : transport des œuvres, adaptation aux réglementations locales, recherche de lieux d’exposition adaptés… Il faut aussi sans cesse renouveler notre réseau et s’adapter aux différentes attentes du public selon les villes où nous exposons.   

 Et ses opportunités ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Cette mobilité est aussi une force. Elle nous permet d’explorer de nouveaux marchés, d’élargir notre audience et de créer des ponts entre différentes scènes artistiques. Chaque exposition dans une ville différente est une opportunité de faire découvrir nos artistes à un public nouveau et d’enrichir notre réseau.

Ngalula MAFWATA : Comment et pourquoi se lancer dans l’acquisition d’œuvres et objets d’Art ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : L’acquisition d’art est un investissement autant culturel que financier. Il ne s’agit pas seulement d’acheter une œuvre, mais de soutenir un artiste et de contribuer à la préservation et à la valorisation du patrimoine africain. Il est important d’acquérir des œuvres avec une approche éclairée, en s’intéressant à l’histoire de l’artiste et à la portée de son travail. Une idée qui revient souvent lorsque l’on parle du marché local dans les pays africains est l’absence ou le manque d’un marché local solide et de mécènes actifs prêts à participer à son expansion. 

Brazzaville a un énorme potentiel artistique qui ne demande qu’à être structuré et valorisé. Il y a une nouvelle génération d’artistes talentueux qui émerge et qui mérite d’être accompagnée. À travers Eudes Gallery, nous voulons participer à la construction d’un véritable écosystème artistique dans la ville et dans tous le pays.   

Orland ETOUMBAKOUDOU, Eudes Gallery

Ngalula MAFWATA : Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés dans votre activité ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Le principal défi reste la structuration du marché local. Beaucoup d’artistes talentueux n’ont pas encore accès à un réseau solide de collectionneurs et d’institutions prêtes à les soutenir. Il y a aussi un manque de politiques publiques encourageant la création et l’investissement dans l’art. Il est crucial de sensibiliser les acteurs économiques et culturels à l’importance de l’art comme moteur de développement.   

 

Ngalula MAFWATA : Passion ou investissement ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Les deux sont indissociables. La passion est le moteur de mon engagement, mais il faut aussi une approche stratégique pour garantir la pérennité de la galerie et assurer aux artistes un environnement professionnel viable. 

En tant qu’Africains, nous devons comprendre que l’investissement ne doit pas se limiter à l’immobilier, à l’achat de terrains, de voitures ou d’autres biens matériels. L’art est un véritable actif, porteur de valeur culturelle et économique. Il représente un patrimoine qui se valorise avec le temps et qui contribue au rayonnement de notre identité sur la scène internationale. Investir dans l’art, c’est soutenir la création, encourager nos artistes et participer à la construction d’un marché structuré et dynamique. 

Bien sûr, comme tout investissement, il y a des risques. La valeur d’une œuvre peut fluctuer, et le marché de l’art africain, bien que prometteur, reste en pleine structuration. Mais c’est justement en investissant avec intelligence et en créant un écosystème solide autour de nos artistes que nous pourrons limiter ces risques et faire de l’art un véritable moteur de développement économique et culturel pour notre continent. 

 

Ngalula MAFWATA : Comment encourager l’acquisition d’œuvres et d’objets d’art ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : L’acquisition d’art doit être perçue comme un acte de soutien aux artistes et un moyen de préserver notre héritage culturel. Il faut encourager la création de collections privées et institutionnelles, organiser des foires et des rencontres entre artistes et collectionneurs, et sensibiliser le grand public à la valeur de l’art africain.   

En tant qu’Africains, nous devons comprendre que l’investissement ne doit pas se limiter à l’immobilier, à l’achat de terrains, de voitures ou d’autres biens matériels. L’art est un véritable actif, porteur de valeur culturelle et économique. Il représente un patrimoine qui se valorise avec le temps et qui contribue au rayonnement de notre identité sur la scène internationale.
— Orland ETOUMBAKOUDOU

Le mot de la fin

 

Ngalula MAFWATA : Comment entrevoyez-vous le futur de Brazzaville ? Quels sont vos projets futurs ?

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Brazzaville a un énorme potentiel artistique qui ne demande qu’à être structuré et valorisé. Il y a une nouvelle génération d’artistes talentueux qui émerge et qui mérite d’être accompagnée. À travers Eudes Gallery, nous voulons participer à la construction d’un véritable écosystème artistique dans la ville et dans tous le pays.   

Nous préparons plusieurs expositions, notamment à Paris et Abidjan, et nous travaillons sur un projet de résidence artistique pour permettre aux artistes de développer leur travail dans des conditions optimales. Nous voulons aussi renforcer notre présence en ligne pour toucher un public encore plus large.  

À Paris, nous avons plusieurs projets en cours, notamment avec le média MAYI ARTS, qui joue un rôle essentiel dans la promotion de l’art africain et de ses acteurs. J’apprécie énormément son travail et son engagement à mettre en lumière les talents de notre continent. Nous collaborons également avec Ngalula, dont l’implication et la passion pour l’art et les artistes africains sont une véritable source d’inspiration.  Ces initiatives visent à créer des ponts entre l’Afrique et le reste du monde, à offrir plus de visibilité aux artistes et à structurer un marché de l’art africain durable et compétitif. Nous avons une vision à long terme et ces projets ne sont qu’un début pour continuer à faire rayonner notre culture et notre créativité. 

 

Ngalula MAFWATA : Des artistes que vous suivez en particulier, coups de cœur ? 

Orland ETOUMBAKOUNDOU : Nous suivons de près plusieurs artistes émergents qui apportent une nouvelle vision de l’art africain. Sans en citer un en particulier, nous sommes toujours à la recherche de talents qui repoussent les limites et qui proposent un regard novateur sur notre société et notre culture.   

Ngalula MAFWATA

Ngalula MAFWATA is the founder of Mayì-Arts.

https://www.mayiarts.com
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