Mous[t] See: Lamrabat's Homecoming à Marrakech
Distingué par des récits scéniques captivants, les compositions vives et surréalistes de Mous LAMRABAT évoquent des instants intimes de connexion, transformant notre perception de nous-mêmes et des autres. Ancrés dans les subtilités de l’identité et de la culture, ses éditoriaux éclatants révèlent les intersections subtiles mais profondes de l’affinité humaine au sein de la dissonance contemporaine. À travers son retour au Maroc, Lamrabat affine son langage visuel, approfondissant le discours sur l’appartenance et la nostalgie persistante. Dans le domaine spéculatif de Mousganistan, il revisite l’iconographie marocaine, l’intégrant à un métavers qui brouille les distinctions entre praxis et modernisme.
Mous LAMRABAT, Listen to Your Heart (2024), Courtesy of Loft Art Gallery
Dans cette interview, Mous Lamrabat explore les fondements conceptuels de Homesick, sa dernière série exposée à la Loft Art Gallery de Marrakech jusqu’au 15 mars 2025. Ces 20 nouvelles œuvres se déploient comme une pérégrination sentimentale, mettant en lumière les liens profonds et multiples entre l’identité et la terre natale. Lamrabat revient sur son processus créatif, guidé par le désir d’explorer les attaches qui lient les individus à leur pays d’origine tout en abordant les courants émotionnels de l’expérience diasporique, entre manque et appartenance.
Maria YIGOUTI : Peux-tu partager un souvenir marquant où le mal du pays t’a le plus profondément touché et comment cela a influencé l’imagerie de ta série Homesick ?
Mous LAMRABAT : Le nom Homesick m’est venu lorsque j’ai décidé de voyager au Maroc après une année d’absence. J’y suis resté un mois, sans plan ni préparation, j’ai simplement acheté un billet. Marrakech a toujours été bienveillante avec moi, je l’adore ! À mon arrivée, je n’avais ni idées ni inspiration et je me forçais à en trouver. Mais à peine deux jours après mon atterrissage, les idées ont commencé à affluer. Je me suis dit : Oh mon Dieu, ce lieu m’a tellement manqué. C’est incroyablement inspirant, il y a du génie partout, et c’est un cadeau de pouvoir traverser des espaces où l’inspiration vient naturellement. Je me suis immédiatement senti chez moi. C’est à ce moment-là que j’ai sérieusement envisagé de m’y installer. Il y a une sorte de magie à Marrakech !
Maria YIGOUTI : Comment ta compréhension de la notion de « chez-soi » a-t-elle évolué au fil de ta vie entre le Maroc et la Belgique ?
Mous LAMRABAT : Chez-soi, c’est quelque chose à quoi je ne prêtais pas beaucoup d’attention en grandissant entre la Belgique et le Maroc. Maintenant que je suis plus âgé et plus sage, je pense que c’est juste un concept, une sensation plutôt qu’un lieu. On peut se sentir chez soi quelque part, mais il y aura toujours quelque chose qui nous manque. Même si je vivais au Maroc, qui est mon foyer, mes parents me manqueraient profondément. Pour moi, chez-soi, ce n’est pas seulement un endroit—c’est aussi ma famille. Mes parents vivent en Belgique, et tant qu’ils seront là-bas, je pense que je garderai toujours ce lien. Je pourrais être n’importe où dans le monde, mais si je ne vois pas mes parents pendant deux semaines, j’aurais forcément le mal du pays. Chez-soi, c’est là où sont tes parents ! Peut-être que chez-soi, c’est juste une question d’amour, tu vois.
Maria YIGOUTI : Dans ton travail, tu mêles traditions marocaines et esthétique contemporaine. Comment choisis-tu les éléments à fusionner et y a-t-il des symboles qui ont une signification particulière pour toi ?
Mous LAMRABAT : Les traditions sont belles parce qu’elles racontent des histoires. Je suis toujours en quête de cette histoire, même si elle ne se dévoile pas immédiatement. Parfois, l’inspiration s’apparente à une chasse au trésor—trouver quelque chose qui éveille une émotion. Pour moi, cette double identité belgo-marocaine a ouvert tant de solutions artistiques. Elle est devenue la base de mon processus créatif.
“I’ll always push the idea that we have so much more in common than we think. This is what I try to show in my work—how many things connect us. I feel blessed to bring all these people together. If I can be the glue in this lifetime, then I’m happy to be that glue”
Mous LAMRABAT, Star-Struck (2024), Courtesy of Loft Art Gallery
Maria YIGOUTI : Quels ont été les plus grands défis pour exprimer cette double identité maroco-belge à travers ton art et comment les as-tu surmontés ?
Mous LAMRABAT : Grandir en Belgique avec des origines marocaines était un défi. On ne se sent appartenir à aucun des deux mondes. Et quand on est enfant, appartenir signifie tout. Mais j’ai trouvé une réponse : j’ai pris ces deux identités et j’en ai fait quelque chose. J’ai la chance que mon travail, issu de cette dualité, soit apprécié et reconnu. Mon art est un mécanisme qui m’a permis de surmonter ces défis.
Maria YIGOUTI : Quelles réactions ou discussions souhaites-tu provoquer avec Homesick, en particulier au sein de la diaspora ?
Mous LAMRABAT : Avec Homesick, j’espère simplement faire ressentir cette vérité profonde qu’il n’y a vraiment pas d’endroit comme chez soi. Cette série est ma manière de me reconnecter à mes racines. Je peux essayer de m’adapter à l’Europe, mais mes racines me rappelleront toujours. Les gens ont besoin d’atterrir, de poser leurs pieds sur une terre qui résonne avec leur ADN. Quand on est jeune, on essaie de l’ignorer. Je n’aurais jamais imaginé visiter le Maroc seul, sans ma famille, et pourtant j’ai eu tort. À un moment donné, je me cherchais, mentalement et artistiquement, et retourner seul au Maroc m’a donné les réponses dont j’avais besoin. Ce voyage a tout changé. Il m’a permis de redécouvrir qui je suis.
“Pour ceux qui se posent d’innombrables questions, tant de réponses se trouvent en rentrant chez soi.”
Maria YIGOUTI : Ta déclaration « Jusqu’à mon dernier souffle, j’essaierai de rassembler les gens » est particulièrement touchante. Comment cette mission influence-t-elle les thèmes et le processus de ton travail ?
Mous LAMRABAT : Une exposition, c’est rassembler des gens dans un même espace—des gens qui ne se seraient peut-être jamais croisés autrement. Il s’agit de créer des connexions, de susciter des conversations et d’essayer de mieux se comprendre. En tant qu’artistes, nous sommes comme des fenêtres, offrant aux autres un regard sur notre monde. Tant que les gens seront là et poseront des questions, je continuerai à promouvoir l’idée que nous avons bien plus en commun que nous ne le pensons. C’est ce que j’essaie de montrer dans mon travail—toutes ces choses qui nous relient. Je me sens béni de pouvoir rassembler autant de gens. Si je peux être ce lien dans cette vie, alors je suis heureux d’en être un.
Mous Lamrabat, United states of Amazigh (2023), Courtesy of Loft Art Gallery
Maria YIGOUTI : Peux-tu partager une anecdote personnelle qui a marqué ton parcours artistique ?
Mous LAMRABAT : J’ai assisté à la première édition de 1-54 à Marrakech par hasard, invité par La Mamounia où elle se tenait. C’était au début de ma carrière, et en découvrant cette foire, je me suis fixé l’objectif d’en faire partie—tous ces artistes africains réunis et célébrés. Lors d’un dîner d’ouverture, j’ai échangé avec un journaliste. Je lui ai demandé son avis sur l’exposition, et il m’a répondu : « Pour l’Afrique, ce n’est pas mal. »
Cette phrase m’a transpercé. Je la garde en tête à chaque exposition, à chaque critique positive, et à chaque publication où je figure. C’était une remarque dure. Je ne veux pas être un bon artiste parce que je suis Africain. Je veux être un bon artiste pour le monde entier, pas juste dans une narration spécifique. Ce moment est devenu un moteur pour moi.
Maria YIGOUTI : Comment perçois-tu l’évolution de la représentation culturelle et identitaire dans l’art aujourd’hui, et comment ton travail y contribue-t-il ?
Mous LAMRABAT : Regarde l’art, même dans le secteur commercial. On voit de plus en plus de personnes issues de la diversité accéder à des postes de direction artistique, et c’est magnifique de voir les racines célébrées comme base de la créativité. La véritable originalité naît de notre histoire personnelle. Il est plus naturel de créer à partir de ce que l’on est.
Je ne sais pas si mon travail contribue à ce changement, mais j’aime à croire qu’il y participe. Mon message est simple : rentre chez toi et regarde. Il y a tant de réponses à y trouver.










À travers cette introspection profonde, Mous Lamrabat explore à la fois les paysages littéraux et métaphoriques de son identité. Ses photographies suscitent une réflexion sur le désir humain intrinsèque d’appartenance, affirmant avec éloquence que l’identité n’est ni figée ni monolithique, mais une narration fluide et en perpétuelle évolution, façonnée par la convergence d’expériences personnelles et de mémoires collectives partagées. Homesick est autant une odyssée personnelle qu’une affirmation visuelle de cet appel universel—une connexion aux racines qui transcende les limites de l’origine, nous rappelant que revisiter ces liens détient le pouvoir de guérir, de transformer et de redéfinir notre compréhension du foyer.
L’exposition Homesick de Mous Lamrabat est actuellement visible à la Loft Art Gallery à Marrakech jusqu’au 15 mars 2025.