Sungi MLENGEYA Tides of Being, un nouveau chapitre captivant

Sungi Mlengeya se distingue par sa maîtrise de l'art des espaces vides chargés de sens. Réputée pour ses grandes toiles en noir et blanc, où le blanc devient une présence active plutôt qu'une absence, elle affine aujourd’hui sa technique et ouvre un nouveau chapitre de sa pratique, explorant l’eau. Tides of Being (Afriart Gallery), sa prochaine exposition, interroge la féminité et le pouvoir transformateur de l’eau, un miroir naturel qui reflète l’identité, le mouvement et le changement.

Sungi Mlengeya, Portrait 1, © Sungi Mlengeya

Dans cette interview exclusive avec Mayì Arts, Sungi Mlengeya partage les inspirations derrière Tides of Being, sa prochaine exposition à New York le 10 avril. Alors qu’elle explore de nouvelles techniques et s’affirme davantage dans son expression artistique, Mlengeya plonge dans la danse joyeuse de la vie que son art exprime avec tant de fluidité.

Ngalula MAFWATA : De nombreuses émotions captivent le public en contemplant votre art, entre sérénité et joie. En vos propres mots, comment décririez-vous son essence ?

Sungi MLENGEYA : Je suis ouverte à ce que mon travail résonne différemment selon les personnes ; c’est aussi le cas pour moi, à différents moments. La plupart du temps, je suis émerveillée lorsque je regarde mes toiles en dehors de l’atelier, surtout lorsque du temps s’est écoulé depuis leur création. Bien que la composition en noir et blanc puisse être visuellement marquante, il y a une douceur dans les coups de pinceau des figures. De loin, un peintre pourrait ressentir le besoin d’ajouter quelque chose, mais en m’approchant, il me semble que rien ne doit être changé.

Avec certaines œuvres, je ressens une attraction vers le monde des figures. Certaines sont mystérieuses et suscitent des questions. Même si je connais les modèles et mon processus, elles conservent une part d’énigme. On ne peut pas les définir en une seule phrase, alors on continue à les observer. D’autres sont plongées dans leur propre univers—les yeux fermés ou perdus dans l’inconnu—et je me surprends à me laisser emporter avec elles. Elles dégagent une paix, une sérénité. Pour certaines, c’est plus nuancé.

Ripple, 2024, acrylic on canvas, 140 × 200 cm, © Sungi Mlengeya, Courtesy of Afriart Gallery

Ngalula MAFWATA : Le mouvement occupe une place centrale au sein de vos œuvres les plus récentes. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les personnages eux-mêmes, les corps que vous représentez insufflent la vie d’une manière poétique, presque comme une danse chorégraphiée. Quelles sont les principales inspirations derrière ce style expressif ?

Sungi MLENGEYA : Techniquement, les figures sur ma toile ont évolué au fil du temps, à mesure que ma confiance en mon savoir-faire s’est affirmée. Cela m’a donné la liberté d’explorer davantage la forme humaine et d’exprimer des idées et des émotions à travers les corps. La danse, qui est pour moi une source personnelle de joie, est devenue un thème récurrent dans mon travail. Un instant de danse peut être un moment de pur bonheur et de liberté—on s’y abandonne et on se laisse simplement être. Mais c’est aussi un instant d’autonomie totale ; un danseur décide du mouvement de son corps tout en lâchant prise. C’est une dynamique poétique.

Ngalula MAFWATA : Le contraste marqué entre les tons sombres et le blanc—qui devient un corps supplémentaire—est une caractéristique essentielle de votre travail. Comment abordez-vous cette relation dans votre art ? Est-ce une métaphore pour quelque chose de plus profond ?

Sungi MLENGEYA : Mon style en noir et blanc a débuté par hasard au début de mon parcours en peinture. Je cherchais à créer un fond percutant pour un portrait sur lequel je travaillais, mais après avoir du mal à trouver la bonne teinte, j’ai décidé de me concentrer d’abord sur le portrait et de réfléchir au fond plus tard. Une fois terminé, j’ai aimé le tableau tel quel—j’avais trouvé mon fond parfait en le laissant intact.

Il ne m’a pas été difficile de conserver cette approche et de poursuivre dans cette direction, car j’ai toujours été attirée par la nature brute des choses : les espaces vides, les paysages vastes, les mers infinies, les surfaces en béton, la page blanche avant qu’une marque n’y soit apposée, ou encore ces instants juste avant un engagement—quand toutes les directions sont encore possibles. Les espaces dans mes peintures ont pris cette fonction. Ils contiennent un champ de possibilités infinies.

Sungi Mlengeya, In the Depths, 2024, Acrylics on Canvas, © Sungi Mlengeya, Courtesy of Afriart Gallery.jpg

In the Depths, 2024, Acrylics on Canvas, © Sungi Mlengeya, Courtesy of Afriart Gallery.jpg

Ngalula MAFWATA : Les femmes sont au cœur de votre pratique. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos muses, leur identité et la manière dont elles vous inspirent ?

Sungi MLENGEYA : Je ressens un profond besoin de peindre des femmes parce que j’en suis une et parce que je suis entourée de femmes extraordinaires. Presque instinctivement, je ressens l’envie de commémorer mon existence et celle des femmes importantes dans ma vie, celles qui m’ont apporté une grande joie, du réconfort et qui ont joué un rôle essentiel dans mon histoire. Les femmes dans mes peintures, qu’il s’agisse d’amies, de membres de ma famille ou de simples connaissances, incarnent ces personnes et ces moments, que ce soit de manière réaliste ou symbolique.

Ngalula MAFWATA : Nous avons vu ces femmes à travers différentes perspectives : des liens authentiques et du soutien dans le passé à une expression pure et une liberté totale à travers le corps. Comment ces évolutions se sont-elles manifestées pour vous ?

Sungi MLENGEYA : Mon approche artistique ne cesse d’évoluer, mais après avoir exploré la technique, je me suis davantage concentrée sur les émotions et ce qui a du sens pour moi. Après avoir travaillé sur des portraits, j’ai eu envie d’introduire des figures plus complètes ou plusieurs figures sur ma toile. Cela m’a amenée à explorer les thèmes de la connexion et du partage. Puis, j’ai voulu des figures plus imposantes, plus frappantes, des figures plus grandes. Avec la même taille de toile, cela signifiait en représenter moins, voire une seule.

Cette évolution m’a permis de me concentrer davantage, au moment même où j’intégrais de nouvelles idées et de nouveaux thèmes dans mes œuvres. Des corps plus libres et plus expressifs ont alors émergé, à mesure que j’ai commencé à explorer la danse comme thématique. Il y a quelque chose dans le mouvement qui incarne une existence pleine et entière. Un danseur occupe l’espace, maîtrise son corps et se meut sans effort, pleinement présent dans l’instant—sans se soucier de l’étape suivante ou du regard des autres. Je voulais célébrer cette manière d’exister—une existence d’autonomie, de liberté, et parfois d’insouciance—parce qu’elle résonnait profondément en moi.

En entrant dans la mer, un lac, ou même une rivière calme, nous devenons sans poids, dans un espace où le mouvement semble sans effort.
— Sungi MLENGEYA

Ngalula MAFWATA : Dans les œuvres exposées dans Tides of Being, on remarque des détails plus complexes dans les expressions faciales, les textures de peau et la composition globale. Cela semble marquer un nouveau chapitre dans votre pratique. Pouvez-vous nous décrire votre processus de création pour cette série ?

Sungi MLENGEYA : Cette série représente une première exploration de l’incorporation de l’essence de l’eau avec le corps. Les photographies des femmes ont été prises à la fois dans et hors de l’eau, et j’ai expérimenté avec ces images pour introduire des éléments aquatiques là où il n’y en avait pas, ou pour les accentuer là où ils existaient déjà. L’eau influence le corps de multiples façons, offrant une infinité de directions à explorer et un vaste champ d’expérimentation.

Peindre l’eau—ou capturer ce qui en évoque la sensation—est encore nouveau pour moi, et j’ai dû apprendre en cours de route. Par conséquent, le processus de chaque peinture a été légèrement différent, mais l’objectif est resté le même : je voulais que l’essence de l’eau transparaisse et qu’elle évoque les sensations qu’elle me procure.

Afloat, 2024, Acrylic on Canvas, 200x150cm, © Sungi Mlengeya, Courtesy of Afriart Gallery

Ngalula MAFWATA : Pendant des années, la blancheur sur vos toiles a suscité la curiosité, et maintenant elle est attribuée à l’eau. Quelle est votre relation avec cet élément, et comment sa présence dans Tides of Being enrichit-elle le récit des figures, de leur transformation, et du lien entre le mouvement, l’identité et le monde naturel ?

Sungi MLENGEYA : L’espace blanc sur ma toile a toujours laissé de la place pour que le spectateur l’interprète à sa manière. Tides of Being s’inspire de mon émerveillement pour l’eau ; sa beauté, sa capacité à encourager l’abandon et l’introspection, et le sentiment de renouveau qu’on en retire.

L’eau transforme le corps de manière visible et invisible. Dans ces peintures, les figures sont dans un état de réflexion et de transformation. Les corps sont en contemplation, en méditation, et en renouvellement. Ils sont peints, adoucis, étirés et courbés de manière impossible sur terre, d’une manière à la fois étrange et belle. L’eau invite à l’abandon—une acceptation du changement constant—quelque chose que j’ai longtemps embrassé avec mes arrière-plans épurés. Dans cet élément, le corps se sent à la fois familier et inconnu—flottant, se dissolvant, devenant quelque chose de nouveau à chaque instant.

La surface de l’eau est aussi un miroir changeant, se brisant et se reconstruisant sans cesse, réfléchissant les formes chatoyantes. Certaines des figures se déplacent avec une tension silencieuse, d’autres avec aisance, poursuivant le thème de la danse que je n’ai pas complètement laissé derrière moi. En entrant dans la mer, un lac, ou même une rivière calme, nous devenons sans poids, dans un espace où le mouvement semble sans effort.

Les peintures de Tides of Being sont le fruit de ma quête pour traduire les émotions de l’eau dans mon travail, en les tissant avec d’autres idées, personnes, et ressentis qui résonnent en moi d’une manière à la fois significative et belle.

Shimmers, 2025, Acrylic on Canvas, 150x140cm, ©Sungi Mlengeya, Courtesy of Afriart Gallery

Ngalula MAFWATA : Alors que vous continuez à explorer l’unicité du corps et du mouvement, que souhaitez-vous que les spectateurs retirent de Tides of Being ?

Sungi MLENGEYA : Ce qu’ils veulent. Mais j’espère qu’ils se perdront avec ces figures.

Tides of Being sera présenté par Afriart Gallery à partir du 10 avril de 18h-21h, à New York pour la première fois au 311 East Broadway, NYC (NADA Exhibition Space). Pour plus d’informations, rendez-vous sur www.sungimlengeya.com et Afriart Gallery.

Ngalula MAFWATA

Ngalula MAFWATA is the founder of Mayì-Arts.

https://www.mayiarts.com
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